L’Aber Wrac’h
15 septembre 2008, le jour du départ
Le Volkswagen Transporter rouge pétant se gare à l’extremité du petit port. La porte coulissante s’ouvre à grand bruit et la joyeuse tribu s’extraie de
- Je le vois ! Je le vois ! Là-bas…
Six paires d’yeux se tournent aussitôt vers elle pour suivre son doigt pointé vers un bras de mer. Là, flottant tranquillement dans le courant de la marée montante, No Limit les attend, prêt à embarquer son équipage de jeunes mousses pour une aventure autour du monde.
Après la longue route depuis le sud de la Bourgogne jusqu’aux confins du Finistère, l’excitation monte. Clotaire court le long des quais, sautant par-dessus les anneaux d’acier, enjambant les amas de filets et les lourdes amarres lovées sur le quai. Déjà, il faut surveiller Anne et Emilie qui s’approchent un peu trop près du bord, au goût de Maman. A cinq ans et deux ans et demi, elles ne savent pas encore nager. Je redoute le pire. Je n’aurai pas droit à une minute de répit.
- C’est Michel !
Claire a repéré la silhouette du capitaine se détachant au pied du mat. Tout le monde se met à crier en levant les bras et en brassant l’air comme autant de jeunes albatros au décollage. Enfin, Michel tourne
Je m’appelle Inès et j’ai deux mois et demi… depuis douze ans ! Je suis née en novembre 1995, dix huit mois après Côme, et j’ai fait le mauvais tour à mes parents de repartir sur la pointe des pieds, une nuit de janvier 1996. Un sommeil profond, un peu trop, et je me suis retrouvée au ciel. Une apparition furtive sur la terre, juste le temps de prendre goût à la vie de famille et de m’attacher à ceux qui allaient faire l’objet de toutes mes attentions, mes parents, mon grand frère et mes petits frères et mes petites sœurs. Vous imaginez aussi ma tête lorsque l’idée a commencé à germer dans l’esprit de Maman de partir autour du monde! Déjà, dans le cadre habituel de leur vie dijonnaise, je ne dormais que d’un œil, pour éviter les catastrophes ou en réduire les effets. Sur les océans et les routes du nouveau monde, je m’attends à passer de longues heures à veiller sur eux. Mes parents sont un peu fous, un brin anticonformistes. Bien sûr, ce ne sont pas de doux rêveurs vivant de l’air du temps, mais ils prennent un malin plaisir à vivre pleinement leurs envies. Je crois d’ailleurs que mon départ prématuré n’a pas été étranger à leur philosophie : Vivre plusieurs vies en une vie !